
La reproduction du discus Heckel
par Mr Juan Carlos Nieto.
Cet article a été rédigé par Monsieur Juan Carlos Nieto en Octobre 2004 qui nous a gentiment autorisé à le traduire et le mettre en ligne sur notre site internet.
Traduction réalisée par Serge Payen (Scryo)
Tout d’abord, voici quelques photos du bac et l’évolution des petits discus après la reproduction puis vous aurez un descriptif détaillé des conditions de maintenance de ses discus Heckel et comment l’éleveur est arrivé à l’aboutissement de son projet et de son rêve : le reproduction des fabuleux Discus Heckel !


La première photo présente l’aquarium de 240 litres où se trouvent les discus. Ce bac est positionné assez haut dans la pièce. Le couple de Heckel est à gauche avec ses petits.

Sur la photo 2, vous pouvez voir le couple avec sa première ponte, à peine visible, sur la racine. D’après un yearbook allemand des années 1990, ces poissons sont identiques aux discus à tête bleue que l’on trouve dans la zone du Rio Unini (Rio Negro). J’en ai discuté avec différents éleveurs professionnels qui pensent qu’ils pourraient venir de cette zone sans en être sûrs à 100%.


Sur la photo 3 le mâle féconde les œufs et la femelle attend. La femelle a la peau picorée par les alevins de la précédente ponte (c’était sa seconde ponte). Ces alevins ont été mis dans un aquarium de grossissement. Quelques jours plus tard, la femelle a été atteinte de dropsy (Cela serait peut-être dû au Flubenol, car c’est la seconde fois que j’observe ce phénomène en utilisant ce produit. La première fois que cela m’est arrivé, c’était il y a 8 mois en septembre 2000, avec un Pterophyllum Altum. Bien sûr, ce n’est actuellement qu’une hypothèse).
Sur la photo 4, prise le même jour, vous pouvez voir les oviductes du mâle (en train de féconder les œufs sur la racine) et de la femelle (qui attend au premier plan). Lors de la première ponte, il y a eu peu d’oeufs blancs. La plupart des œufs ont éclos avec une conductivité de 1500`s/cm, un pH de 5 et un kH presque nul. (Non, le conductivimètre n’était pas cassé, moi-même je n’y croyais pas mais les uarus que j’ai eu la chance de reproduire quelques années auparavant l’ont fait dans la même eau sans se plaindre). (photo 5)


Sur la photo 6 vous apercevez le couple en train de ventiler sa première ponte quand je n’avais pas encore mis de séparation dans le bac. Le troisième discus Heckel (que l’on peut voir tout à droite du bac derrière le cône de ponte) va se révéler être une femelle qui va tenter de séduire le mâle à tout prix. Pendant tout le temps de la ponte, son oviducte sera sorti et très proéminent. C’est incroyable, ils n’ont pas fait la moindre tentative de ponte pendant 5 ans et tout à coup, ils ont tous envie de se reproduire ! (Peut-être des hormones qui se propageraient dans l’eau ?)

Chronologie de la ponte :
Le 04 mai 2001, c’est le second jour de nage libre :

Les photographies suivantes ont été prise au 7ème jour de nage libre. Les alevins sont sur le dos de la femelle, puis sur le mâle.


Au 16ème jour de nage libre, juste avant l’ajout de Flubenol dans le bac. Je voulais laisser les petits avec leurs parents jusqu’au premier mois de nage libre. Le jour suivant (17ème jour de nage libre), la femelle était prostrée dans un coin du bac et tous les alevins étaient sur le dos du père. J’ai donc installé la femelle dans l’autre partie du bac où se trouvaient les trois autres Heckel.
Le jour suivant, j’ai du transféré aussi le père qui ne pouvait plus supporter la portée tout seul, et j’ai installé les alevins dans un aquarium de grossissement. Comme je l’ai dit plus haut, je pense que les problèmes que j’ai connus avec la femelle sont dus à l’ajout de Flubenol.


LE BAC
Dimensions du bac : 120 cm de long x 42 cm de profondeur x 50 cm de hauteur (soit 240 Litres environ) La base du bac était située à une hauteur de 1m60 par rapport au sol.
LA FILTRATION
La filtration était composée d’un filtre interne de marque Eheim (modèle 1250) qui après avoir aspiré l’eau la faisait passer (à l’extérieur du bac) dans un préfiltre de perlon et finalement sur un tube en PVC situé au dessus de l’aquarium et rempli de Bioballs. L’eau retombait dans le bac par gravité.
L’EAU
J’ai toujours utilisé de l’eau du robinet en dépit de son pH égal à 8. Sa conductivité était de 1600us, mais la dureté carbonatée était égale à 1 (L’eau se colorait en jaune dès la 1ère goutte de réactif Tétra pour mesurer le kH) Le pH de cette eau était donc très instable et avait tendance à descendre très rapidement. Je faisais un changement d’eau de 30 % du volume du bac toutes les 3 semaines avec de l’eau du robinet sans conditionneur.
L’eau était changée en quasi goutte-à-goutte, le changement durait environ 5 heures. La nouvelle eau était déjà à la même température que celle du bac. Après le changement d’eau, le pH avait tendance à remonter à 5.5 (d’après le test Tetra). Avant le changement d’eau, le test indiquait un pH très bas (acide), au minimum de l’échelle du test de pH. Je me souviens avoir perdu deux beaux L-81 achetés lors d’un voyage en Allemagne à cause d’une de ces chutes de pH. Lors de ces chutes de pH, les discus ne se sentaient pas bien et un voile apparaissait sur leurs yeux, ce qui rendait obligatoire le changement d’eau. C’est dans cette eau que j’ai obtenu des reproductions d’Uaru en 1992, bien que je ne pensais pas que les oeufs se développeraient avec une conductivité aussi élevée. (photo 19)
La température de l’eau était de 31-32°C. Lors de la première ponte, environ 90 % des oeufs ont éclos en dépit de la conductivité de l’eau. Cependant, les parents n’ont pas dû produire de mucus, ou bien les alevins se sont désorientés ou le couple n’était pas assez expérimenté. Après la seconde ponte, j’ai fait un changement avec de l’eau osmosée pour diminuer la conductivité à 500us. Bien que moins d’oeufs aient éclos, les alevins ont pu se nourrir du mucus des parents. Cependant, certains se désorientaient la nuit en dépit de la veilleuse allumée près du bac et ils se retrouvaient sur le territoire des trois autres Heckel qui les dévoraient. Lorsque j’ai couvert le fond du bac, ce problème fut résolu mais il ne resta qu’une cinquantaine d’alevins.
Pour conclure, il semble que dans mon cas, l’alcalinité (kH) de l’eau a été plus déterminante que la conductivité de l’eau. (J’ai lu quelque chose en rapport avec ça dans un ancien article de M. Dale Jordan paru dans T.F.H. sur les zones de capture dans l’Amazone) Mon pH a aussi toujours été très bas et les changements d’eau (qui ont déclenché les pontes) avaient pour résultat d’augmenter le pH a 5.5 !
L’ALIMENTATION
Je nourrissais les 5 discus une fois par jour avec un blister de Discusfood (nourriture à base de coeur de boeuf). Je faisais jeûner les poissons un jour par semaine. Lorsque le couple s’est formé, j’ai complété l’alimentation par une ration quotidienne de vers de vases rouges congelés auxquels j’ajoutais quelques gouttes de Tétravital. (Les poissons étaient alors nourris deux fois par jour).


COMPORTEMENT DES POISSONS ET PONTE
Les discus ont toujours eu un comportement territorial dans l’aquarium, chaque zone appartenant à un poisson. Le « meilleur » territoire du bac (celui où tombait toujours la plus grosse partie de la nourriture) était occupée par le plus gros discus (le mâle du couple). C’est pour cela que j’ai installé dans ce coin une racine verticale. Celle qui devint finalement sa femelle avait son territoire à l’autre extrémité du bac. Cette situation est restée presque inchangée pendant les trois années que les poissons ont passées dans ce bac.
Les poissons n’ont jamais manifesté les comportements« types » d’un couple de discus : ils n’ont jamais nagé en se croisant en parallèle, ils n’ont jamais nettoyé un possible lieu de ponte (alors qu’ils disposaient en permanence d’un cône de ponte au centre de l’aquarium).
Un bon ami, éleveur de discus sur une autre île, m’a annoncé un jour que les discus Heckel ne se reproduisent pas en captivité (bien qu’il soit parvenu à reproduire un mâle Heckel avec une femelle hybride) et qu’il peut y avoir un problème avec les femelles Heckel dans le temps qui suit leur capture et pendant lequel elles ne sont pas nourries. Curieusement, dans le mois qui a suivi ce commentaire, mes discus se sont reproduits. Je me souviens que la femelle s’est déplacée dans le territoire du mâle, qu’elle a commencé à nettoyer la racine et que le mâle l’a aidé. Je n’ai par contre jamais observé la « parade typique » du couple de discus. Quand ils voulaient pondre, ils nettoyaient la racine et au bout de deux ou trois jours, ils pondaient leurs oeufs. La femelle était généralement à l’initiative de la ponte. Quand c’était le mâle, il se positionnait en face de la racine de ponte et il attendait que la femelle se décide à nettoyer l’endroit. Quand elle se mettait à nettoyer, le mâle l’aidait à la tâche.
Je me souviens que le plus petit Heckel de l’aquarium se révéla être aussi une femelle car à chaque fois que le couple nettoyait la racine, elle tentait d’enlever le mâle à l’autre femelle en l’emmenant dans son territoire avec son oviducte très proéminent.
Après 17 jours de nage libre, j’ai ajouté du flubenol à 5% dans l’eau de l’aquarium pour éviter de possibles problèmes aux alevins (j’avais l’intention de maintenir les alevins avec leurs parents pendant un mois) Au jour suivant, en rentrant du travail, j’ai découvert le mâle avec toute la portée sur le dos et la femelle prostrée dans un coin, frappée par le mâle et comme « absente ». J’ai donc du transféré la femelle de l’autre coté du bac avec les autres Heckel.
Les alevins (environ 50) restèrent avec leur père 6 jours de plus, jusqu’à ce qu’il ait la peau abimée par la « gourmandise » de sa progéniture qui mangeait déjà de la spiruline en poudre (en petites quantités), des cyclops congelés, des nauplies d’artemias, des restes de discusfood et aussi des pastielles de Sera O’nip que je collais à la paroi du bac.
Après 23 jours de nage libre, j’ai installé les alevins dans un bac de 100 Litres dans lequel j’ai ajouté du Flubenol à 5 %. Les poissons continuaient à bien se nourrir. Je ne leur donnais plus de discusfood mais je rajoutais à la place des vers blancs écrasés. (Je ne leur ai donné des artemias que deux fois pour éviter des problèmes que j’ai pu lire) Au bout d’une semaine, j’ai rajouté du metronidazol dans les cyclops (bien que je sache que ce produit n’est pas recommandé à usage préventif) et j’ai changé 20 % d’eau par jour. Je n’ai eu aucune perte bien que 5 ou 6 alevins aient eu un léger retard de croissance par rapport aux autres. Leur croissance était fantastique (je me souviens avoir attendu que la 5ème barre noire se distingue plus que les autres pour pouvoir prendre des photos.) J’ai commencé à les nourrir avec du discusfood et c’est là que les problèmes ont commencé car ils ne mangeaient plus comme avant et ils pipaient à la surface tous ensembles (symptôme typique des parasites intestinaux) J’ai traité les petits au Formol, mais ils n’ont pas récupéré. Je me souviens avoir traité avec beaucoup de médicaments mais sans résultat. Les petits n’ont plus mangé pendant une semaine, ils avaient des selles blanches et bien que je fasse des traitements, j’ai dû me résigner à les euthanasier.
Mon erreur a sans doute été le manque d’hygiène.
Des amis passionnés n’approuveront probablement pas certaines des choses que j’ai faites, mais je vous rappelle que votre serviteur n’est pas un éleveur de discus. Je suis simplement un
amoureux des aquariums qui tente de reproduire les poissons qu’il maintient et à cette époque je me dédiais plus aux Cichlidés africains. Par ailleurs, j’étais hébergé gratuitement chez ma mère (qu’elle repose en paix).
Bien entendu, je ne pense plus employer de Flubenol dans un aquarium, le risque de dropsy est
considérable, et les avantages pas si évidents. Un éleveur de discus canadien, Dale Jordan, avec lequel j’ai la chance de tchatter à propos des altums (et non pas pour les discus) utilise habituellement du Flubenol 5% en le mélangeant avec du DMSO. D’après son expérience, le Flubenol dans l’eau ne donne jamais de résultat, en revanche, couplé avec du DMSO, les effets sont incroyables.
Pour ma part, depuis que j’ai perdu un Altum il y a quelques mois, je ne peux plus sentir le Flubenol même en peinture (je parle du Flubénol à 5%, liquide et en provenance d’Allemagne qu’un ami m’avait donné).
J’ai également lu récemment dans Symplidiscus que l’on ne devait pas mélanger du Flubenol et
du Metronidazol et moi j’ai utilisé les deux avec les alevins. J’ai par ailleurs utilisé dans ce bac un filtre semi-humide que j’avais utilisé avec des Tropheus (Cichlidés africain du Lac Tanganyka), chose que je n’aurai pas dû faire, mais que j’ai fait par nécessité. Or il existe un ensemble de maladies d’origines inconnues qui attaquent curieusement de la même façon des poissons tels que les Discus et les Tropheus. Avant que j’oublie, ces discus sauvages m’ont été apportés par M. Manuel Quesada et une autre personne via Barcelone. L’acclimatation a été longue, pendant deux semaines nous avons dû les nourrir avec des larves vivantes de moustiques auxquelles il fallut ajouter de la « Furantoine » puis du « sulfate de neomicine ».Par la suite et après quelques baisses de forme, il fallut ajouter du « Lombricure ». Bien que très faibles à leur arrivée, on voyait que ces Heckel avaient un grand potentiel, pas vrai Manolo ?
J’espère que vous serez nombreux à pouvoir bénéficier d’un arrivage de cette qualité !
REFLEXIONS COMPLEMENTAIRE DE L’AUTEUR
Quand à l’aspect “difficile” ou “facile” (en dehors de la petite dose de chance), j’aimerais dire à mes amis aquariophiles qui maintiennent ces poissons que la probabilité de les reproduire augmente considérablement si on ne les mélange pas avec d’autres variétés. Les Heckel ont besoin d’une eau beaucoup plus acide que le reste des discus sauvages. Si vous maintenez un groupe de discus et que parmi eux il y a des Heckel, vous pourrez observer que lorsque le pH baisse à des niveaux très bas (à des limites dangereuses), les autres discus produisent du mucus alors que les Heckel n’en produisent pas (c’est une particularité supplémentaire qui pousse à ne pas les mélanger avec d’autres variétés) Par ailleurs, si un mâle Heckel souhaite se reproduire, il y a de très fortes chances pour qu’une femelle d’une autre variété soit prête à pondre avec lui avant une femelle Heckel. C’est pour cela que certains couples mixtes avec un mâle Heckel et une femelle hybride peuvent se former (c’est ce qui est arrivé à un de mes amis).
Une autre qualité à posséder avec ce poisson est la patience. Les deux premiers mois sont éprouvants pour les maintenir en vie (je parle de mon expérience personnelle), mais avec le temps, ils vont commencer à mieux s’alimenter et à mieux résister aux possibles maladies qui pourraient apparaitre. Si vous possédez un groupe vous pourrez finir par les voir se mettre en couple, pour ma part c’est arrivé après que je les ai maintenus pendant de 5 ans.
Les deux premières années, ils étaient tous ensemble dans un aquarium, puis j’ai déménagé chez ma mère avec mes discus. Ils furent installés dans le même aquarium pendant 3 ans. J’ai toujours suivi la même “routine”, les discus étaient en compétition pour la nourriture mais sans plus.
Mettre un support de ponte dans la zone où se retrouve la nourriture déplacée par le courant du filtre peut-être une bonne idée car le poisson le plus fort du bac est généralement un mâle qui y fera son territoire. En général, l’établissement de territoires débouchera tôt ou tard, si on possède un groupe composé de mâles et de femelles, sur une possible ponte. Je ne suis pas partisan, avec les individus sauvages (discus, altum,…), de séparer le couple dans un aquarium de reproduction avant d’avoir obtenu une première ponte. Et même après la première ponte, je préfère mettre en place une séparation dans le bac si c’est possible. Un autre point important à mes yeux, c’est d’acheter les sauvages le plus tôt possible après leur arrivée, pour limiter les intermédiaires entre l’importateur et mon bac. Je m’explique : les discus sauvages vendus dans la plupart des animaleries ont beaucoup de problèmes car ils ont besoin de beaucoup de soin lors de leur acclimatation et ils est rare qu’ils en bénéficient dans une animalerie (attention, il y a de tout dans les animaleries, de très bons professionnels et des moins bons, je parle en général et je m’excuse auprès des animaleries responsables qui apportent tous les soins nécessaires aux discus qu’elles importent).
Je pense que ce qui a provoqué la première ponte fut le nettoyage de mes filtres (qui n’avaient
pas été lavés depuis longtemps) combiné à un important changement d’eau (toujours au goutte-à-goutte) qui a remonté le pH à une valeur de 5.5.
Un autre facteur qui pourrait entrer en jeu (je me trompe peut-être) est qu’au cours de ce printemps le temps sur l’île était très mauvais. Peut-être que la baisse de pression atmosphérique a joué un rôle favorable ? Il faut faire très attention, car avoir un taux d’alcalinité aussi élevé et un pH aussi bas avec des discus c’est comme jouer avec des allumettes à coté d’un bidon d’essence. Il semble que l’on obtienne des reproductions de loricaridés difficiles avec la même méthode : on laisse les filtres s’encrasser (dans la limite du raisonnable) et on limite les changements d’eau pendant un certain temps, puis on fait un nettoyage des filtres et un gros changement avec de l’eau un peu plus fraîche et dont l’alcalinité est faible pour imiter la saison des pluies. J’essaierai cette méthode sur mes L204a lorsqu’ils auront atteint la maturité sexuelle.
Je m’excuse encore si vous n’êtes pas d’accord avec certaines de mes réflexions, ou bien si certaines vous semblaient évidentes. J’ai simplement voulu partager avec vous mon expérience et si je ne vous avais pas fait part de ces petites réflexions complémentaires, j’aurai eu le sentiment de laisser quelque chose en suspens.
Bonne Chance !
J.Carlos Nieto Hernandez, originaire de Las Palmas de Gran Canarias (Esp)
Post rédigé en octobre
2004 sur le forum http://www.drpez.net
Traduction de Payen Serge.